Le Bouddha répartit la « parole juste » en quatre catégories – l'abstention du mensonge, l'abstention de la calomnie, l'abstention des paroles dures et l'abstention du bavardage – dans lesquelles on reconnaîtra une déclinaison du quatrième des « cinq préceptes ». Bien que les effets de la parole soient moins immédiatement évidents que ceux de l'action physique, ils ne doivent pas pour autant être sous estimés : la parole comme sa prolongation écrite peuvent avoir des conséquences considérables, tant personnelles que collectives.
La première forme de parole juste est d'abord présentée sous forme d'une abstention dans la mesure où, ici aussi, il est pédagogiquement préférable de partir de la réalité d'une tendance naturelle au mensonge (musāvāda) dont le disciple devra se départir.
Les démonstrations du Bouddha n'omettent cependant jamais le versant positif de ce précepte, le fait de dire la vérité :
"Il faut éviter le mensonge et s'en abstenir. Il faut dire la vérité, être fidèle à la vérité, fiable, digne de confiance."
Aucune exception à ce principe n'est acceptable ; même un mensonge destiné à faire plaisir ou à ne pas causer de souffrance est négatif. Si dire une vérité peut provoquer de la souffrance, il est préférable, à l'exemple du Bouddha, de choisir le silence.
"Par conséquent, il ne faut jamais, en le sachant, dire de mensonge, que ce soit pour son propre bien, pour celui d'une autre personne ou pour quelque bien que ce soit."
"En le sachant » est une précision importante : comme pour toute action, le facteur déterminant est l'intention. Le mensonge non intentionnel est sans conséquence éthique ou spirituelle ; le mensonge porteur d'effets est celui qui repose sur le désir (mentir pour en tirer bénéfice), sur l'aversion (mentir pour nuire) ou sur l'égarement (le mensonge irrationnel ou compulsif, l'exagération intéressée, le mensonge pour plaisanter)."
Pour le Bouddha, le mensonge doit être évité car il est dévastateur pour la cohésion sociale en général, et pour celle de la communauté des moines en particulier. Beaucoup plus profondément, le Bouddha enseigne que la sagesse est la réalisation de la vérité (sacca), c'est-à-dire des choses telles qu'elles sont : dire la vérité établit une correspondance entre notre comportement et la voie vers la libération ; de ce fait, bien plus qu'un principe éthique, la dévotion pour la parole vraie est une façon de nous situer dans la réalité plutôt que dans l'illusion, de nous situer dans la vérité marquée par la sagesse plutôt que dans les fantasmes tissés par le désir.
La seconde forme de « parole juste » est l'abstention de la calomnie (pisuna vaca), elle aussi facteur de discorde, et la pratique de son contraire, les paroles de concorde :
"Il évite la calomnie et s'en abstient. Ce qu'il a entendu ici, il ne le répète pas là-bas pour ne pas y causer de dissension ; et ce qu'il a entendu là-bas, il ne le répète pas ici pour ne pas y causer de dissension. Ainsi, il réunit ceux qui sont divisés et il encourage ceux qui sont unis. Il se réjouit de la concorde, il se plaît et est heureux dans la concorde ; c'est la concorde qu'il répand par ses paroles."
La troisième forme de « parole juste » est l'abstention de toute parole dure, tant dans la forme (les paroles criardes) que dans le contenu (les propos sévères ou insultants) et la pratique de son contraire :
"Il évite les paroles dures et s'en abstient. Il prononce des mots doux, agréables à l'oreille, affectueux ; de tels mots vont droit au cœur, ils sont polis, amicaux et agréables pour tous."
La quatrième forme de « parole juste » est l'abstention du bavardage, des paroles superficielles, et la pratique de son contraire :
"Il évite le bavardage et s'en abstient. Il parle au bon moment, en rapport avec les faits, il parle de ce qui est utile, il parle du Dhamma-Vinaya ; sa parole est comme un trésor, prononcée au moment opportun, accompagné par la raison, modérée et sensée."
Si, au temps du Bouddha, ce précepte devait fonder un comportement essentiellement individuel, les développements technologiques exigent aujourd'hui que l'on étende le rejet de la « parole injuste » au flot d'informations sans intérêt, de publicités tapageuses, de bruits en tous genres déversé par les médias modernes : il s'agit bien là en effet, au sens propre, de « distractions ».
Commentaires